Conférences plénières > John Levi Barnard

VIANDE, CLIMAT ET DYSTOPIE DU PRÉSENT

Jeudi 23 septembre de 11 h 15 à 12 h 15

Centre de Colloques, grand auditorium

John Levi Barnard travaille dans le domaine des humanités environnementales. Spécialiste de littérature comparée et de littérature mondiale, il s’est intéressé dans son premier livre au classicisme noir. Son projet actuel retrace l’histoire conjointe de l’empire américain, du « animal food system » et de l’extinction de masse des espèces. Son prochain livre, The Edible and the Endangered: Food, Empire, Extinction, porte d’ailleurs sur cette même thématique. Lauréat de nombreux prix prestigieux, il est affilié à l’Institute for Sustainability, Energy and Environment at the University of Illinois, Urbana-Champaign.

Les systèmes industriels d’alimentation animale représentent environ 15% de toutes les émissions de gaz à effet de serre et sont la première cause d’extinction des espèces dans le monde. Malgré une prise de conscience croissante d’un tel  impact, le citoyen américain moyen mange encore chaque année plus de 90 kilos de viande, et les débats sur la réduction de la consommation carnée, qui visent à atténuer ce qui est maintenant devenu l’accélération rapide d’une catastrophe écologique, font face au scepticisme voire à la dérision, et ce indépendamment des affiliations politiques. Cette conférence retrace l’émergence de l’industrie de la viande.  Système mondial de marchandise remontant au début de la colonisation du « Nouveau Monde », et désormais profondément lié aux économies et écosystèmes, depuis les hautes plaines du Wyoming jusqu’à la forêt Amazonienne, l’industrie de la viande est une caractéristique essentielle de la culture de consommation américaine de plus en plus exportée dans le monde. John Levi Barnard dessine ici ces trajectoires culturelles et économiques, et leurs combinaisons,  d’abord à partir d’un parcours d’œuvres littéraires allant de La Jungle d’Upton Sinclair (1906) à My Year of Meats : a Novel (Mon épouse américaine) de Ruth Ozeki (1998)– des œuvres qui illustrent le bas coût de la viande et son abondance tout au long du XXème siècle. Il se tourne ensuite vers un éventail de fictions spéculatives, de dystopies et de films qui suggèrent la précarité de ce qui semble pourtant être une ressource inépuisable. Ces œuvres spéculatives – de l’iconique film Soleil Vert (1973) au récent roman Cadavre exquis de l’auteure argentine Agustina Bazterrica – imaginent le manque de viande comme une caractéristique décisive d’un futur dystopique. Cependant, elles ne présentent pas la manière dont le système d’alimentation animale est en lui-même moteur de l’émergence d’une dystopie du présent à travers le réchauffement climatique et l’extinction de masse, sans parler d’une maladie pandémique zoonotique. Ce que ces visions alternatives de l’abondance et du manque révèlent, c’est une culture de la consommation à la fois non-négociable et inépuisable, un dilemme qui réitère ce qui est devenu une vérité générale pour les critiques du capitalisme tardif : il est plus facile d’imaginer la fin du monde humain qu’un monde sans viande.


Avec le soutien de l’Université de Paris, LARCA UMR 8225
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