Ateliers > Circulations photographiques intracontinentales : une histoire délaissée

L’histoire de la photographie, telle qu’elle est rédigée en France depuis des dizaines d’années, se focalise prioritairement sur deux aires géographiques : l’Europe occidentale et l’Amérique du Nord (les Etats-Unis en particulier). Si les spécificités de la production, des usages et des théories photographiques de chacune de ces géographies ont été et sont encore largement documentées, en prenant souvent en compte leurs circulations transatlantiques, il n’en est pas de même pour le reste du monde. Les histoires nationales de la photographie hors Europe et Etats-Unis restent souvent cantonnées aux cercles scientifiques de ces pays-là et peinent à s’exporter. En Amérique latine, depuis bientôt un demi-siècle, une dynamique continentale s’est pourtant mise en place : en 1978, la convocation du Congrès de photographie latino-américaine à Mexico fut une étape importante. Ces dernières décennies, de nombreux artistes et photojournalistes latino-américains ont établi leur réputation bien au-delà de leur propre pays, et de nombreuses institutions culturelles dédiées à la photographie ont vu le jour. Les contours, incertains encore, d’une « photographie latino-américaine » se sont ainsi dessinés. L’idée d’une photographie américaine, englobant les parties nord, centrale et sud du continent n’a, en revanche, jamais été posée. Pourtant, de nombreuses circulations intracontinentales ont existé et forgé des regards, photographiques et théoriques, solidement ancrés dans les terres américaines. Si Susan Meiselas couvrant la révolution sandiniste ou coordonnant un ouvrage sur la dictature de Pinochet (Chile from within, 1991) est sans doute l’icône de ces circulations, de nombreux autres photographes ont emprunté des chemins de traverse au gré de la géographie accidentée du continent. Les photographes venus des Etats-Unis ont sillonné l’Amérique Latine depuis la 19e siècle, au nom de la science (Hiram Bingham « découvrant » le Machu Picchu avec un Kodak panoramique), de l’art (Paul Strand et Edward Weston se réinventant au Mexique), ou des intérêts bien compris d’une politique du « bon voisinage » (Geneviève Naylor au Brésil). Les trajets « sud-nord » apparaissent plus récents, mais ils ont pris une ampleur remarquable : les expositions du MoMA Mexico : 8 Photographers (1943) et Projects : Martín Chambi & Edward Ranney (1979) ont participé à la légitimation d’une modernité photographique latino-américaine, confirmée par le festival FotoFest de Houston (1992) et plus récemment l’exposition Urbes Mutantes (International Center of Photography, 2014). Le Mexicain Pedro Meyer, les Chiliens Camilo José Vergara et Alfredo Jaar ont construit des œuvres dont l’Américanité est très fortement déterminée par le tropisme états-unien, au point que certaines associations latinas de Los Angeles reprochèrent à Vergara les représentations caricaturales de l’exposition El Nuevo Mundo : the Landscape of Latino Los Angeles (2001). Pour beaucoup, telle la Californienne Yvonne Venegas ou le photographe de Magnum Alex Webb, c’est la frontière même entre les deux Amériques qui revient comme le paysage américain le plus emblématique. L’atelier visera donc à réunir des contributions qui mettent en lumière ces interactions et interrogent la portée de ces échanges. On s’interrogera sur la manière dont les images ont pu contribuer à fabriquer des mouvements artistiques, des solidarités politiques ou des rapprochements culturels transnationaux, et comment elles ont souvent renforcé des dynamiques politiques conflictuelles. On envisagera enfin la pertinence de l’élaboration d’une histoire croisée de la photographie dans les Amériques à travers ses représentations, ses acteurs et ses institutions.

 

Jeudi 23 septembre de 9h00 à 11h00

Centre de Colloques, salle 2

 

Cet atelier est porté par :

Didier AUBERT (Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3 / THALIM UMR 7172)

Marion GAUTREAU (Université Toulouse – Jean Jaurès / FRAMESPA UMR 5136)

 

Interventions : 

Ariel Arnal (Universidad Iberoamericana) & Rebeca Monroy Nasr (Instituto Nacional de Antropología e Historia) – La era de los contagios: Miradas cruzadas México y América Latina. El Primer y Segundo Coloquios Latinoamericanos de Fotografía (1978 y 1980)

Gwen Cressman (SEARCH – Université de Strasbourg) – The Making of Landscape Photography at the Border beyond a Nationalist Narrative

Amy Cox Hall – Uncirculated : The Limits of the Sentimental in Expeditionary Science

Alberto Del Castillo (Instituto Mora) – Fotografía y memoria en México y Argentina. El uso de las imágenes para la crítica del poder

Jennifer Tucker (Wesleyan University) – The Chile Photograph: The Story of How a Santiago Daguerreotype became a Global Icon

Jeffrey Swartwood (CLIMAS – École Polytechnique) – Rendered Crossings: Mexico seen through the Prism of Californian Mid-Century Surf Photography

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