Ateliers > Mobilisations collectives dans les Amériques : la place du subalterne

Quelle est la place du subalterne au sein des mobilisations collectives dans les Amériques ? « Le subalterne » peut ici s’entendre à la fois au sens du statut des individus et des groupes occupant une position subordonnée dans la sphère sociale ou se revendiquant comme tels, et au sens des modes d’action et d’intervention dans l’espace public qui tendent à être déconsidérés ou disqualifiés, en particulier les formes culturelles, non-évidemment politiques, voire infrapolitiques de mobilisation. Le subalterne ne saurait cependant être simplement confondu avec la marginalité ou avec la condition de laissé pour compte, qui se caractérisent par l’exclusion – qu’elle soit ou non volontaire. Le questionnement est donc multiple : Qui est subalterne ? Qui s'en réclame ? Comment ce statut est-il défini ou remis en question et par qui ? La subalternité est-elle uniquement un statut ou constitue-t-elle aussi une assignation, une expérience, un mode de participation à l’univers social ? Est-elle immuable ou peut-elle être perturbée, renversée ou encore transcendée ? À quelles stratégies de politisation peut-elle donner lieu ?
On pourra s’interroger sur les enjeux épistémologiques, les partis pris théoriques et les éventuels biais méthodologiques qu’induisent ces questions. Le subalterne se définit-il principalement par l’infériorité hiérarchique ? Implique-t-il nécessairement l’absence de privilège ou bien entretient-il des rapports plus complexes, voire paradoxaux, avec le positionnement socioéconomique ? Enfin, dans quelle mesure la stigmatisation des minorités raciales, sexuelles, ethniques et culturelles se croise-t-elle avec la subordination socioéconomique, et avec quelles différences selon les époques, les pays ou les régions des Amériques ?
On gardera aussi à l’esprit que la perception et l’appréciation de la subalternité peuvent varier selon l’angle sous lequel on la considère. Loin de naturaliser ou de réifier le subalterne, on s’attachera à explorer le caractère heuristique de cette notion. Par exemple, si les populations autochtones amérindiennes sont parmi les plus vulnérables et les plus dominées sur les plans économique ou culturel, elles comptent aussi aujourd’hui parmi les groupes les plus mobilisés, médiatisés et reconnus en ce qui concerne, notamment, les questions d’exploitation des ressources naturelles, de droits économiques, sociaux et culturels, de droits des femmes. On pourrait aussi se demander si les personnes LGBTQ résidant dans les grandes métropoles et appartenant à des milieux aisés sont ou ont jamais été des subalternes et, si oui, pourquoi et en quoi ? Et dans quelle mesure le subalterne influe-t-il sur le répertoire d’action collective de ces minorités raciales, ethniques ou sexuelles ?
On pourra aussi envisager la manière dont les facteurs économiques, sociaux, politiques et identitaires interagissent dans l’appréhension de la subalternité. Cette notion éclaire-t-elle par exemple le regain de visibilité ou la relégitimation des populations blanches pauvres au sein des mouvements populistes, qu’ils soient minoritaires ou triomphants comme au Brésil ou aux États-Unis ? A contrario, l’arrivée – ou est-ce un retour ? – des populations indigènes au premier plan de la scène politique dans des pays comme la Bolivie ou l’Équateur suppose-t-elle un dépassement pérenne de la subalternité ou n’est-elle qu’une remise en question momentanée de mécanismes d’ordre structurel ?
Cet atelier invite donc à appréhender la subalternité en termes notionnels et conceptuels, à se poser la question de ses modalités et pratiques, et/ou à envisager ses modes de politisation voire d’instrumentalisation. Les propositions de communication peuvent porter sur des époques allant de la période moderne (XVIe-XVIIIe siècles) à la période la plus contemporaine. Sont particulièrement encouragées les communications reposant sur des études empiriques (archives ou terrain) et sur des cas d’étude précis. Il est également possible de proposer des communications portant sur des recherches encore en phase exploratoire et soulevant des enjeux théoriques ou méthodologiques.

 

Session 1 :

Jeudi 23 septembre de 9h00 à 11h00

Centre de Colloques, salle 10

 

Session 2 : 

Vendredi 24 septembre de 9h00 à 11h00

Centre de Colloques, grand auditorium

 

Cet atelier est porté par :

- Baptiste Lavat (IMAGER – Université Paris-Est Créteil)

- Guillaume Marche (IMAGER – Université Paris-Est Créteil)

 

Interventions - Session 1 :

Claudia Seldin, Caio César de Azevedo Barros, Pedro Vitor da Costa Ribeiro & Victória Helena Michelini Junqueira (CURL) – Subaltern and (In)Subordinate : Contested Cultural Territories in the Peripheries of Rio de Janeiro, Brazil

Karol Fayolle Cortes (Triangle – Sciences Po Lyon) – Posicionamiento y formas de movilización de « actores estratégicos » en los círculos de la participación. Consideraciones a partir del conflicto por el agua del Páramo de Santurbán en Colombia

Sandrine Baudry (SEARCH – Université de Strasbourg) & Céline Planchou (Pléiade – Université Sorbonne Paris Nord) – Repenser la subalternité autochtone aux États-Unis au prisme des résurgences territoriales

David Alvarez (Université Paris 1 Panthéon Sorbonne) – Politiques de l’ambiguïté : la demande de réparation territoriale du peuple Mapuche au Chili face à la dénégation républicaine

Morgane Le Guyader (LC2S – Université des Antilles) – Vivre sa « minorité ». Dire ou ne pas dire sa « raïzalité », des subalternités indicibles

 

Interventions - Session 2 :

Laura Cahier (CERIC – Aix Marseille Université) – De l’invisibilité à l’émancipation sur la scène internationale : repenser les formes de subalternités à la lumière des mobilisations des femmes autochtones

Maria Elvira Álvarez Giménez (CRALMI – Université Paris 1 Panthéon Sorbonne) – Discours, politiques et actions : les femmes syndicalistes en Bolivie après la guerre du Chaco

Jérémie Denicourt (CESPRA – EHESS) – Jeunesses indigènes : itinéraires d’un acteur émergent dans la région mixe. (Oaxaca, Mexique)

Louis Bachaud (CECILLE – Université de Lille) – Le mouvement « Incel » : construction discursive et idéologique d’une identité subalterne

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