L’hyper-attention récente accordée à la vague des victoires électorales des partis et des mouvements conservateurs, tout comme la vogue des comparaisons entre dirigeants récemment arrivés au pouvoir (Trump, Bolsonaro) ont remis au centre du débat les interrogations concernant la définition et le fonctionnement des démocraties. Les organisateurs de cet atelier proposent de faire un pas de côté dans les débats sur le populisme en étudiant sur le temps long un angle spécifique de la question : l’articulation entre conservatisme et démocratie à l’échelle du continent américain entre la fin du XIXe siècle et le temps présent.
A l’échelle du continent comme des pays qui le composent, la pluralité des conservatismes offre un défi à la comparaison en termes de régimes, d’idéologies et de mouvements politiques. Pourtant l’imprégnation grandissante du néo-libéralisme dans l’espace public depuis une quarantaine d’années tend à suggérer une cohérence plus grande, tant à l’échelle nationale qu’internationale, du camp conservateur par rapport au camp progressiste. Qu’en est-il dans les faits ? Il s’agirait ainsi de bénéficier du renouveau de la théorie politique interrogeant le populisme et des récentes études sur les droites afin d’élaborer un questionnement comparatif.
Sur le temps long, les mouvements et partis politiques conservateurs partagent certaines caractéristiques – l’existence de symboles et de rituels spécifiques, une certaine idée de l’ordre et la peur de l’ennemi, le patriotisme ou le nationalisme, ou encore la défiance vis-à-vis des sciences humaines et sociales – qui sont entrées en résonance et en tension avec la question démocratique et ont évolué avec celles-ci. Si le monde politique conservateur des cinquante dernières années est de mieux en mieux connu, comment s’insère-t-il dans une histoire plus longue, entre la fin du XIXe siècle et la période présente ? Comment a-t-il négocié la relation entre autorité et démocratie, entre majorité et minorité, entre ordre et liberté, entre ordinaire et exception ? Le brouillage contemporain de la frontière entre régimes démocratiques et autoritaires ouvre de ce point de vue une fenêtre pour comparer des pays aux traditions et aux évolutions politiques diverses.
Sur le temps plus court, les récents succès politiques des droites en général à l’échelle du continent américain interrogent la façon dont ce courant a appréhendé la question électorale et la possible circulation des « recettes » politiques ayant fait son succès à l’échelle du continent américain. Il s’agirait ainsi d’étudier les dynamiques politiques visant à la mobilisation tant à la conquête et à la conservation du pouvoir qu’au dialogue entre les courants et groupes divers qui caractérisent les coalitions conservatrices. Si le succès de la social-démocratie à l’échelle occidentale a longtemps été expliqué par sa capacité à se créer une clientèle électorale à la faveur de l’expansion de l’État social, quelles satisfactions politiques et quel type de bien public les forces politiques conservatrices proposent-elles à leurs électeurs·rices ?
Ce sont ces questions que nous nous proposons d'examiner lors du congrès de l’IDA en essayant de rassembler des spécialistes de discipline, de pays et de périodes variés.
Vendredi 24 septembre de 9h00 à 11h00
Centre de Colloques, petit auditorium
Cet atelier est porté par :
- Stéphane Boisard (FRAMESPA)
- Rodrigo Nabuco de Araujo (CIRLEP – Université de Reims)
- Yann Philippe (Mondes Américains – EHESS)
Interventions :
Marie-Laure Geoffray (IHEAL CREDA - Université Sorbonne Nouvelle) – Résurgences et circulation de l’anticommunisme continental
Agnès Trouillet (Université Paris Nanterre) – Stratégie des organisations conservatrices, militantisme grassroots et « contre-démocratie » aux États-Unis depuis 2010
Maud Chirio (Université Gustave Eiffel) – L’antipolitisme au coeur du pouvoir : l’armée brésilienne dans la République, 1920-2020
Amélie Ribieras (Université Paris 2 Panthéon Assas) – Les émotions comme stratégie politique et militante chez les conservatrices américaines, à travers l’Eagle Forum de Phyllis Schlafly
Tamara Boussac (EHESS) – « Government by gigantic bureaucracy is not free government » : Bon gouvernement et démocratie aux origines du mouvement conservateur états-unien