Chroniqueurs et extirpateurs nous renseignent sur la sacralité de certaines choses ou lieux appelés huacas que les anciens Péruviens considéraient comme leurs ancêtres. Les huacas pouvaient être le corps même de leur défunt, le mallqui, qu'ils conservaient précieusement mais aussi des montagnes, des rivières, des lacs, des objets, etc. Des cérémonies et des offrandes leur étaient régulièrement dédiées, faisant des ancêtres une composante importante de la vie sociale des vivants. Considérée dans la cosmogonie andine préhispanique comme l'ancêtre fondateur pétrifié, la huaca en pierre représentait le double minéral de l'ancêtre et recevait de ce fait les mêmes honneurs que le mallqui. Les nombreuses études diachroniques menées sur l'ancestralité à partir de sources ethno-historiques, archéologiques et ethnographiques ont largement démontré l'ancienneté et la continuité de ce concept dans le monde pré et post-hispanique. Dans la sierra nord centrale du Pérou, entre 100 et 700 ap. J.-C. environ, certains groupes Recuay façonnèrent des sculptures en pierre qu'ils intégrèrent physiquement et socialement à leur vie quotidienne afin de restituer la présence de l'ancêtre. En s'appuyant sur les données archéologiques, iconographiques et ethno-historiques cette contribution vise à considérer les sculptures recuay non pas comme des objets-œuvres inertes créés dans un but décoratif ou comme simple élément architectonique, mais comme des objets-personnes, à savoir des artéfacts interactifs et vivants faisant véritablement office d'ancêtres.