La proposition vise à explorer l'environnement comme ressource de mobilisation riveraine face au développement immobilier dans le territoire métropolitain de San José, Costa Rica. Elle se fonde sur une recherche doctorale sur les comités de quartier de gestion de crise (CCE de leur nom en espagnol), dispositifs participatifs promus par la politique costaricienne de gestion du risque depuis 2006 à l'échelle des territoires les plus exposés à des événements (souvent inondation, éboulement, tremblement). Constitués exclusivement par des habitants volontaires, ces comités ont pour mission de soutenir la Municipalité en cas de crise : les membres du CCE se déplacent dans les lieux sinistrés et collectent les informations des foyers affectés pour les envoyer ensuite à la Mairie. En dehors des situations d'urgence, ils peuvent réaliser un travail de sensibilisation et de prévention auprès de leurs voisins.
Nous nous fonderons sur l'un des études cas de la thèse : Barrio Luján, quartier ouvrier, situé au cœur de la métropole joséphienne, fréquemment frappé par des débordements de la rivière Ocloro, et disposant d'un CCE depuis 2013. Fruit de multiples facteurs de dégradation environnementale, associés au type d'expansion urbaine qui s'est déployée à San José au cours du 20ème siècle, la gestion du risque d'inondation à Barrio Luján ne se fait pas sans difficultés. Les facteurs des crues s'imbriquent au-delà du quartier, au sein d'une conurbation de près de trois millions d'habitants, alors que les intérêts immobiliers y sont croissants. En effet, le quartier est actuellement concerné par la politique municipale de repeuplement « Repoblemos San José », visant la construction de plusieurs projets immobiliers en vertical, dont un projet de mille deux-cents appartements (trois tours) dans la zone d'étude, aux bords de l'Ocloro.
Le travail de terrain réalisé entre 2015 et 2017 s'est fondé sur 42 entretiens semi-directifs, tant auprès d'habitants (23) qu'auprès des gestionnaires publics (19), sur des observations participantes à Barrio Luján et sur un travail d'analyse de documents (courriers, compte rendu de réunions) produits par les acteurs collectifs interrogés (la Mairie et le CCE). J'ai analysé la façon dont le comité de quartier de Barrio Luján, pourtant créé à l'initiative de la Municipalité, devient progressivement un moteur de mobilisation environnementale. La question qui guidera notre communication est : comment les habitants engagés dans le CCE se saisissent-ils de l'argument environnemental pour faire valoir leur droit à être reconnus comme interlocuteurs du territoire qu'ils habitent ?
Nous montrons que l'argumentaire de la conservation de la rivière s'érige comme la seule alternative aux yeux des Lujanenses pour contrer la construction des tours d'appartement dans le quartier, vues comme facteur d'accentuation des crues. Pourtant cet argumentaire n'était pas le premier choix des riverains mobilisés. Au fait des intérêts immobiliers et des rapports de force dans le territoire, ils sont disposés dans un premier temps à négocier avec la Mairie et avec l'entreprise immobilière pour définir des nouveaux aménagements dans le bassin fluvial de l'Ocloro. Or, les engagements non tenus de la Municipalité amènent les habitants à se saisir du discours de conservation de l'environnement afin de judiciariser ce qui devient un conflit social.
La communication présentera le parcours du CCE, dispositif sociopolitique pensé par les gestionnaires pour innover la gouvernance du risque. Nous préciserons le glissement du rôle de ce dispositif, dépassant son rôle de soutien de la Mairie lors d'une situation d'urgence, pour devenir un moteur de mobilisation contre cette dernière. La norme environnementale devient ainsi une ressource pour contrer les rapports de force entre acteurs autour d'un territoire. Elle permet aux habitants de sortir des cadres de discussion de gestion de crise imposés par la Municipalité de San José et de remettre en cause une politique de développement territorial.